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VAE : entre précisions réglementaires et renforcement de l’autonomie individuelle

Social - Fonction rh et grh, Formation, emploi et restructurations
20/07/2017
Par Sabrina Dougados, avocat associé et Philippe Piccoli, juriste, docteur en droit, pôle de droit de la formation professionnelle du cabinet Fromont Briens, un tour d'horizon des conditions de mise en œuvre de la validation des acquis de l’expérience (VAE) qui viennent d'être révisées pour faciliter son développement.
 
Toute personne peut obtenir un diplôme ou un titre à finalité professionnelle inscrit au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) par la validation des acquis de l’expérience (VAE). Cette troisième voie d’obtention d’un diplôme ou d’un titre est complémentaire aux deux autres, plus traditionnelles, que sont les formations dispensées de façon initiale et, après l’entrée dans la vie active, par la voie de la formation professionnelle continue.
 
Le décret n° 2017-1135 du 4 juillet 2017 relatif à la mise en œuvre de la validation des acquis de l’expérience (publié au JO du 6 juillet dernier) a été adopté dans le prolongement des lois n° 2014-288 du 5 mars 2014 et n° 2016-1088 du 8 août 2016. Il vise, en modifiant le Code de l’éducation et celui du travail, à favoriser le recourt à la VAE.
 
Ses dispositions qui entreront en vigueur le 1er octobre 2017 entérinent les modifications introduites par la loi « Travail » concernant notamment l’abaissement de 3 à 1 an de la durée minimale d’activité exigée pour accéder à la VAE. L’expérience prise en compte est également assouplie puisque les activités pratiques réalisées dans le cadre de stages, de périodes de formation en milieu professionnel, de préparation opérationnelle à l’emploi (POE), de contrat unique d’insertion, d’apprentissage, de professionnalisation ainsi que celles réalisées via des périodes de mise en situation en milieu professionnel pourront être prises en compte, qu’elles soient réalisées via la formation initiale ou continue (C. éduc., art. R.335-6, I).
En outre, l’expérience acquise en tant que sportif de haut niveau, dans le cadre de responsabilités syndicales, d’un mandat électoral local ou d’une fonction élective locale sera expressément prise en compte au titre des activités professionnelles salariées, non salariées, bénévoles ou de volontariat.


I. L’exercice du droit à la VAE précisé
 
A. Procédure de VAE
 
La procédure de VAE est organisée par l’organisme certificateur (autorité administrative, établissement ou organisme qui délivre la certification). Elle se déroulera désormais en deux temps, expressément prévus par les textes (C. éduc., art. R.335-7, I) :
 
  • la recevabilité de la demande de VAE (les pièces composant le dossier de recevabilité sont précisées par le décret)
 
  • l’évaluation par le jury.
 
Le candidat adressera le dossier de recevabilité à l’organisme certificateur, dans les conditions que ce dernier aura préalablement fixées et rendues publiques, notamment sur son site internet ou sur le portail gouvernemental dématérialisé dédié à la VAE. L’examen du dossier de recevabilité sera réalisé par l’organisme certificateur, qui sera notamment chargé de vérifier la durée effective d’activité et le rapport direct des activités déclarées par le candidat avec celles figurant sur le référentiel de certification (C. éduc., art. R.335-7, II). L’organisme certificateur pourra proposer une aide gratuite à la constitution du dossier de recevabilité (C. éduc., art. R.335-7, I). À ce stade il est permis de douter de la pertinence d’une telle mesure : les aides sont nécessairement couteuses pour l’organisme. Celui-ci ne sera pas incité à les mettre en place s’il doit en supporter le coût.
 
Décision de l’organisme certificateur. – Celui-ci notifiera sa décision au candidat par tout moyen donnant date certaine à la réception de la décision. Si celle-ci est favorable, la notification devra comporter, pour chaque certification, la durée de validité de la recevabilité de la demande (avec indication le cas échéant de la faculté pour le bénéficiaire de faire une demande de renouvellement ou de prorogation). La notification pourra comporter des recommandations, relatives notamment aux formations complémentaires (tant celles qui sont obligatoires que celles liées à l’exercice d’activités manquantes). L’organisme certificateur devra proposer au candidat au moins une date de session d’évaluation dans les douze mois suivant l’envoi de la décision favorable de recevabilité (C. éduc., art. R.335-7, III).
 
Dossier de validation. – Le candidat, ayant reçu une décision favorable à sa demande de recevabilité, constituera son dossier de validation comprenant la description de ses aptitudes, compétences et connaissances mobilisées au cours de son expérience et, le cas échéant, au cours de formations complémentaires. Il l’adressera à l’organisme certificateur, chargé de l’organisation du jury, dans les délais et les conditions que ce dernier lui aura préalablement fixés et communiqués (C. éduc., art. R.335-8, al. 1 et 2).
 
Validation partielle. – Pour tenir compte des modifications introduites par la loi « Travail », les évaluations complémentaires peuvent désormais être réalisées sans limite de durée (contre un délai de 5 ans antérieurement) (C. éduc., art. R.335-9).
 
Décision du jury. – Si la décision du jury est toujours notifiée au candidat par l’organisme certificateur, les parties de certification obtenues définitivement doivent quant à elles faire l’objet soit d’attestations de compétences, soit d’un livret de certification qui doivent être remis au candidat. En outre, l’organisme certificateur doit être en mesure de satisfaire à toute demande de duplicata des attestations ou du livret (C. éduc., art. R.335-10). Il est regrettable que le décret n’ait pas précisé dans quels délais l’organisme certificateur est tenu au respect de cette obligation. À défaut de précision sur ce point, il faut considérer qu’il n’y a pas de limite de durée.
 
B. Information gratuite des bénéficiaires
 
Toute personne bénéficiera gratuitement d’une information sur les principes, les modalités et le financement de la VAE ainsi que d’un conseil (tel qu’organisé par le service public de l’orientation) sur l’identification des certifications en rapport direct avec son expérience en s’appuyant le cas échéant sur un bilan de compétences. Ces informations et conseils sont disponibles sur un portail dématérialisé ainsi qu’auprès des opérateurs CEP et des centres de conseil sur la VAE (C. trav., art. R. 6421-1 nouveau).


II. L’autonomie individuelle renforcée
 
A. Congés de VAE
 
Le texte réglementaire assouplit les conditions de recours au congé de validation des acquis de l’expérience, lequel a pour but de permettre au salarié désirant faire valider son expérience de s’absenter de son entreprise pour une durée maximale qui ne peut excéder en principe 24 heures. A l’instar du congé individuel de formation, l’employeur ne peut refuser une demande de congé de VAE sauf dans des cas particuliers justifiant un report du congé.
 
Attestation de présence. – L’attestation de présence fournie par l’organisme certificateur devra être présentée sur demande de l’employeur ou de l’organisme financeur et n’aura plus à être présentée de façon systématique (C. trav., art. R. 6422-5). Cette disposition pourra susciter des difficultés d’application si la demande de transmission de l’attestation est largement postérieure à l’achèvement de la VAE : le risque de perte du document sera beaucoup plus élevé, alors même que celui-ci conditionne le financement du dispositif.
 
Délai de carence entre deux congés VAE. – En principe, un salarié ne peut pas demander un autre congé de VAE dans la même entreprise avant un délai de carence d’un an. Le décret du 4 juillet 2017 précise que ce délai de carence ne s’applique pas aux personnes qui doivent passer une évaluation complémentaire (C. trav., art. R. 6422-6). Cette disposition permet de faciliter l’acquisition complète d’un diplôme ou d’un titre et d’éviter des délais d’attente qui risqueraient de faire échouer la validation dans sa globalité. Son adoption mérite d’être saluée.
 
Prise en charge du congé VAE. – La prise en charge du congé VAE est en principe limitée à 24 heures par validation. Toutefois, le décret précise que cette durée peut être augmentée par convention ou accord collectif de travail pour les travailleurs :
  • n’ayant pas atteint le niveau IV de qualification au sens du RNCP ;
  • menacé par les évolutions économiques ou technologiques.
 


B. Financement de la VAE
 
Dépenses éligibles. – Les dépenses éligibles aux fonds de la formation professionnelle continue ont été précisées et mises à jour, ce qui apporte un surcroît de sécurité juridique. Il s’agit des frais de (C. trav., art. R. 6422-9) :
  • rémunération du salarié pendant le congé VAE ;
  • transport, de repas et d’hébergement ;
  • d’examen du dossier de recevabilité ;
  • d’accompagnement du candidat ;
  • d’organisation de session d’évaluation par l’organisme certificateur.
 
Allocation de formation. – Lorsque la VAE se déroule en dehors du temps de travail dans le cadre du plan de formation, le salarié bénéficie de l’allocation de formation égale à 50 % de sa rémunération nette (C. trav., art. R. 6422-10 et R. 6422-10-1).
 
Demande de prise en charge. – Le décret énonce que la demande de prise en charge d’une VAE peut être formulée par le salarié, l’organisme certificateur ou l’employeur si l’action se déroule en tout ou partie sur le temps de travail. En revanche, la notification du financeur est adressée exclusivement au candidat, lequel est ainsi placé au cœur du dispositif, bien que cette notification aurait pu parvenir à tout le moins au prescripteur à l’origine de la demande de prise en charge. (C. trav., art. R. 6422-12).


C. Conventionnement
 
Périmètre de la convention tripartite. – La convention tripartite nécessairement conclue entre le salarié, l’employeur et le ou les organismes intervenant en vue de la VAE doit également être conclue lorsque la VAE est réalisée via une période de professionnalisation et lorsque l’employeur gère en interne le CPF en application de l’article L. 6331-10 du Code du travail (C. trav., art. R. 6422-11). Si la première extension est compréhensible, la seconde l’est moins tant elle semble assimiler la gestion interne du CPF au plan de formation, ce qui n’est pas l’objectif de ce dispositif.
 
Consentement du salarié. – Antérieurement au décret du 4 juillet 2017, le consentement du salarié à une VAE devait être matérialisé dans une convention tripartite. Désormais, le consentement pourra également ressortir de la signature de la demande de prise en charge de VAE (C. trav., art. R. 6422-13). Cette simplification, en cohérence avec les autres dispositions du décret, mérite d’être saluée.


D. Accompagnement à la VAE
 
L’accompagnement à la VAE est désormais expressément facultatif. Il est proposé, en fonction des besoins du candidat, déterminés le cas échéant avec l’organisme certificateur, lors de l’instruction du dossier de recevabilité. Il peut désormais comprendre :
  • une assistance à l’orientation vers une formation complémentaire ;
  • une recherche de financement pour la prise en charge de la formation complémentaire.
 
L’organisme chargé de l’accompagnement peut s’appuyer sur les propositions d’un des opérateurs CEP (C. trav., art. R. 6423-3). Si ces mesures d’accompagnement à la VAE peuvent être saluées, elles instaurent cependant une confusion avec le rôle dévolu en principe au conseil en évolution professionnelle (CEP).
 

 
En synthèse. – Même si les dispositions du décret du 4 juillet 2017 ne sont pas toujours d’une grande clarté (deux erreurs matérielles sont à déplorer), elles apportent des précisions utiles, notamment s’agissant de la procédure de validation et de son formalisme. Il est intéressant de relever que ces règles s’imposent à l’ensemble des organismes de certification, quel que soit leur statut (privé ou public), dès lors que leur certification est enregistrée au RNCP.
 
Aucune sanction n’a été prévue en cas de non-respect de ces règles par l’organisme certificateur, lequel pourrait donc voir sa responsabilité civile engagée selon les règles de droit commun. En revanche, aucune disposition particulière ne permet aux agents de contrôle de prononcer des sanctions administratives et/ou financières à l’endroit de l’organisme de certification au regard des règles applicables en droit de la formation professionnelle.

Par Sabrina Dougados, avocat associé et Philippe Piccoli, juriste, docteur en droit, pôle de droit de la formation professionnelle du cabinet Fromont Briens
 
Source : Actualités du droit