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Viol sur mineur : quid de la constitution de partie civile des parents sans dénonciation des enfants ?

Civil - Personnes et famille/patrimoine
Pénal - Procédure pénale
06/03/2020
La Cour de cassation vient de se pencher sur la constitution de partie civile de parents d’enfants victimes de viols, alors mêmes que ces derniers n’ont pas dénoncé les faits allégués. 
Deux jeunes filles nées en 1986 sont adoptées en 1993 et placées en 2001 par le juge des enfants. Cette décision sera levée deux ans plus tard. Mais alors que les filles devaient être remises à leurs parents le mois suivant, elles fuguent du foyer où elles étaient placées jusqu’alors.
 
Les parents décident de porter plainte estimant que le personnel du foyer avait continué à entretenir des relations avec leurs filles au cours de leur fugue, à laquelle il aurait pu contribuer. Une information judiciaire est ouverte du chef de non-représentation d’enfant et soustraction de mineur à l’exercice de l’autorité parentale. Néanmoins, une ordonnance de non-lieu est rendue et elle sera confirmée par la chambre de l’instruction. La Cour de cassation décide de rejeter le pourvoi formé par le couple.
 
Après une réouverture de l’information sur charges nouvelles, le procureur de la République diligente une enquête mais la procédure sera classée sans suite. Les parents se constituent partie civile pour viols par personne ayant autorité sur la victime. Le doyen des juges d’instruction déclare irrecevable la constitution. Les époux interjettent appel.
 
Les juges du second degré confirment l’irrecevabilité de la constitution de partie civile. Pour eux, « le droit de la partie civile de mettre en mouvement l’action publique est une prérogative de la victime qui a personnellement souffert de l’infraction ». En l’espèce, ils soulignent que le préjudice moral invoqué par les parents ne résulte qu’indirectement du préjudice éventuel subi par leurs filles « lesquelles n’ont pas dénoncé du temps de leur minorité non plus que depuis leur majorité les viols allégués par leurs parents ».
 
Un pourvoi est formé par les époux qui estimant que des parents subissent un préjudice moral direct résultant du viol éventuel de leurs filles mineures. La Haute juridiction rappelle alors que :
  • les articles 2 et 3 du Code de procédure pénale prévoient que le droit d’exercer l’action civile appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert d’un dommage (matériel, corporel ou moral), directement causé par l’infraction ;
  • l’article 85 du même Code dispose que toute personne se prétendant lésée par un crime ou un délit, peut se constituer partie civile devant le juge d’instruction compétent, en portant plainte.
 
Points que la Cour de cassation a déjà confirmés à de nombreuses reprises : il faut que la personne qui intente l’action civile ait subi un préjudice certain (Cass. crim., 13 juin 1978, n° 77-90.343).
 
En l’espèce, elle décide alors de censurer l’arrêt de la cour d’appel précisant que « l’infraction visée aux poursuites était de nature à causer directement préjudice non seulement au mineur mais également à ses parents ». Alors, selon la Cour de cassation, «  les juges ont méconnu le sens et la portée des textes susvisés ».
Source : Actualités du droit