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CJUE : priver un ancien travailleur migrant et ses enfants de prestations sociales est contraire au droit de l’Union européenne

Social - Protection sociale
09/10/2020
:  L’article 7, paragraphe 2, et l’article 10 du Règlement (UE) no 492/2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle un ressortissant d’un autre État membre et ses enfants mineurs, qui jouissent tous, dans le premier État membre, d’un droit de séjour fondé sur l’article 10 de ce Règlement, au titre de la scolarisation de ces enfants dans ce même État, sont en toutes circonstances et automatiquement exclus du droit aux prestations visant à assurer leur subsistance.
 
Les faits
Un ressortissant polonais résidant en Allemagne avec ses deux filles a exercé des activités professionnelles alternées avec des périodes de chômage.
 Il a perçu des allocations de l’assurance chômage du 23 février au 13 avril 2017 et du 12 juin au 23 octobre 2017. Il a retrouvé un emploi à plein temps depuis le2 janvier 2018. En application de la législation allemande de protection sociale, le requérant et ses filles ont perçu des prestations de subsistance du 1er septembre 2016 au 7 juin 2017. Il a demandé en juin 2017, le maintien de ces prestations mais cette demande a été rejetée au motif qu’il n’avait plus la qualité de travailleur salarié et que son séjour en Allemagne était motivé par la recherche d’emploi.
À la suite d’un recours en annulation introduit auprès du Tribunal du contentieux social de Düsseldorf, le requérant et ses filles ont obtenu une réponse favorable. Mais le 4 juillet 2018, le Tribunal supérieur du contentieux social de Rhénanie-du-Nord-Westphalie est saisi d’une requête en annulation de cette décision et décide de sursoir à statuer afin de saisir la CJUE de questions préjudicielles.
La première question consiste à déterminer si une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle un ressortissant d’un autre État membre et ses enfants mineurs, qui jouissent tous, dans le premier État membre, d’un droit de séjour fondé sur l’article 10 du Règlement no 492/2011, au titre de la scolarisation de ces enfants dans ce même État, sont en toutes circonstances et automatiquement exclus du droit aux prestations visant à assurer leur subsistance n’est pas contraire au droit de l’Union ?
 
La seconde question porte sur le fait de savoir si une réglementation d’un État membre telle que celle en cause, en vertu de laquelle un ressortissant d’un autre État membre et ses enfants mineurs, qui jouissent tous, dans le premier État membre, d’un droit de séjour fondé sur l’article 10 du Règlement no 492/2011, au titre de la scolarisation de ces enfants dans ce même État, et y sont affiliés à un système de sécurité sociale au sens de l’article 3, paragraphe 1, du Règlement no 883/2004, sont en toutes circonstances et automatiquement exclus du droit aux prestations spéciales en espèces à caractère non contributif est-elle contraire aux dispositions du Règlement (CE) n° 883/2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale et de la Directive 2004/38/CE relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ?
 
Réponses de la CJUE
S’agissant de la première question, la Cour relève que les travailleurs tel que le requérant, qui ont déjà accédé au marché du travail peuvent bénéficier des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux, en application de l’article 7, paragraphe 2 du Règlement (UE) n° 492/2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union. Par conséquent, le seul fait que le requérant se soit retrouvé au chômage, ne saurait justifier que le principe d’égalité de traitement ne lui soit pas applicable en matière d’avantages sociaux. Et ce même si le requérant ne peut plus se prévaloir de la qualité de travailleur dont il a initialement tiré son droit de séjour.
 
La Cour relève qu’il faut distinguer la situation du requérant de l’hypothèse d’un ancien travailleur qui
« aurait commis un abus de droit non couvert par les règles du droit de l’Union, dans la mesure où celui-ci aurait créé artificiellement les conditions pour l’obtention des avantages sociaux en cause en vertu de l’article 7, paragraphe 2, du Règlement no 492/2011 ».
 
En conséquence, la législation en cause en vertu de laquelle un ressortissant d’un autre État membre et ses enfants mineurs, qui jouissent tous, dans le premier État membre, d’un droit de séjour fondé sur l’article 10 de ce règlement, au titre de la scolarisation de ces enfants dans ce même État, sont en toutes circonstances et automatiquement exclus du droit aux prestations visant à assurer leur subsistance est contraire aux articles 7 et 10 du Règlement (UE) n° 492/2011.
 
S’agissant de la seconde question, la Cour considère tout comme la juridiction de renvoi, que dans la mesure où les requérants ont bénéficié de prestations de chômage, ils sont affiliés à un système de sécurité sociale et relèvent à ce titre, du champ personnel du Règlement (CE) n° 883/2004. Et ils devaient bénéficier du droit à l’égalité de traitement en matière de prestations de subsistance en application de l’article 4 de ce même Règlement.
 
Et le fait d’exclure les requérants de tout droit à ces prestations de subsistance constitue une différence de traitement en matière de prestations de sécurité sociale par rapport aux ressortissants nationaux, relève la CJUE.
 
En conséquence, le refus catégorique et automatique de tout droit aux prestations de subsistance pour les bénéficiaires d’un droit de séjour, est contraire à l’article 4 du Règlement (CE) no 883/2004.
 
Source : Actualités du droit